Anish Kapoor à Rome : un miroir qui invite à bouger

Depuis les années 2000, Anish Kapoor installe un peu partout dans le monde ses fameux Sky Mirrors : d’immenses disques en acier poli qui transforment notre manière de percevoir l’espace. À Chicago, à Versailles ou à New York, ses œuvres captent le tumulte de la ville, les passants, les architectures alentour, pour mieux les faire basculer dans une dimension poétique.

Mais à Rome, l’expérience est différente. Piazza Mignanelli, tout près de la Trinité-des-Monts, Kapoor a posé l’un de ses plus grands miroirs, et ici, aucun reflet de foule, presque aucune façade. Vu de face, le disque ne capte que le ciel et la colonne de l’Immaculée Conception qui lui fait face. Rien d’autre, ou presque.

Ce miroir ne cherche ni à nous inclure, ni à nous flatter. Il ne nous regarde pas. Il regarde ailleurs, ou plutôt vers le haut. Et ce choix n’est pas anodin : il entre en résonance directe avec la statue de la Vierge qui surplombe la colonne, elle aussi tournée vers les hauteurs. L’œuvre s’inscrit dans une verticalité spirituelle, presque silencieuse, qui contraste avec l’agitation du centre-ville.

On peut rêver d’un miroir mobile, qui capterait à certains moments les reflets de la place, des passants, de la vie quotidienne. Mais Kapoor ne nous propose pas un miroir à effet. Il impose un point de vue, et si l’on veut voir autre chose, il faut bouger. En se déplaçant autour de l’œuvre, on découvre d’autres reflets : les immeubles alentours, et une colonne désaxée… Ce miroir trouble les repères et renversent les points de vue. Kapoor, qui interroge régulièrement les notions de vide, d’infini et d’identité, semble ici nous rappeler que la réalité n’est jamais figée : elle dépend du regard que l’on porte sur elle.

L’œuvre se découvre au fil de ma visite des places et des fontaines de Rome, comme une apparition suspendue entre ciel et ville.